Risques psychosociaux: la maison brûle #28avril2025

LES CONSTATS
Je me suis exprimée ce matin, à l’invitation de la Confédération européenne des syndicats, sur la problématique des risques psychosociaux qui explosent, avec des travailleurs (souvent parmi les plus investis) qui « se brûlent » au travail.

La digitalisation, la précarisation de l’emploi, une exigence de performance accrue (stress chronique, burn-out), le harcèlement moral/sexuel, les violences, la souffrance éthique: les risques psychosociaux (RPS) sont devenus un enjeu majeur de santé publique. Et ils ne sont pas sans lien avec les pénuries auxquelles certains secteurs font face!

Les RPS concernent tous les secteurs d’activité et tous les niveaux hiérarchiques, et leur impact est considérable, tant sur les individus que sur les collectifs de travail et les performances économiques. Ils touchent aussi les femmes, dont la pénibilité des tâches n’est pas toujours reconnue, et les jeunes, dont on sait qu’ils ne veulent plus travailler à n’importe quelles conditions.

POURQUOI UNE LEGISLATION EUROPEENNE EST NECESSAIRE

Aujourd’hui, la protection des travailleurs face aux RPS dépend trop du pays dans lequel on travaille, une directive garantirait un socle de droits communs à tous les travailleurs.

C’est la raison pour laquelle, face à l’absence (actuelle) d’initiative contraignante de la Commission européenne en la matière, je prépare le dépôt d’un rapport d’initiative législative qui doit amener la Commission à légiférer en la matière avec un texte dédicacé à cette (seule) problématique.

L’importance d’une telle législation est triple:
-contribuer à protéger la santé mentale des travailleurs, enjeu fondamental de dignité et de justice sociale;
-prévenir les coûts humains, sociaux et économiques des RPS : absentéisme, arrêts de travail, désengagement, conflits, turnover, voire suicides;
-enfin, une législation claire et ambitieuse permettrait de donner aux entreprises un cadre de référence solide pour agir efficacement, en accompagnant le changement sans le subir.

Ainsi, mon approche est de proposer une directive qui impose à tous les États membres une obligation de prévention des RPS, en intégrant les dimensions suivantes :
-analyse des facteurs organisationnels, émotionnels, relationnels, et structurels;
-obligation d’adapter les conditions de travail pour préserver la santé mentale;
-reconnaissance du droit à la déconnexion;
-encadrement de la charge de travail et des horaires atypiques.

Il devrait s’agir in fine d’une directive de la Commission qui crée des obligations légales :
-mettre en place des plans d’action;
-impliquer les travailleurs dans les décisions qui touchent à leur santé mentale;
-assurer un suivi par des inspections du travail formées à ces enjeux.

Enfin, je pense que si une directive est sur la table, elle devrait inclure des mécanismes de signalement, de médiation, de protection contre les représailles, et de soutien psychosocial pour les victimes.

LES BONS ELEVES DE LA CLASSE

Pour rappel, en Belgique, la législation sur la prévention des risques psychosociaux au travail est en place depuis plus de dix ans, avec une réforme majeure en 2014. Elle fait partie intégrante de la loi sur le bien-être au travail. Cette législation a plusieurs caractéristiques clés qui pourraient inspirer une approche européenne :

La loi belge ne traite pas seulement le harcèlement ou les conflits interpersonnels, mais englobe l’ensemble des risques liés à l’organisation du travail : surcharge, pression temporelle, manque d’autonomie, flou des rôles, insécurité d’emploi, exigences émotionnelles… Cette reconnaissance large permet une véritable approche préventive.

Les représentants du personnel, via les comités pour la prévention et la protection au travail, ont un rôle actif dans l’analyse des risques et le suivi des mesures. Cette participation renforce la légitimité des démarches et favorise des solutions durables.

La loi prévoit aussi une procédure interne pour les travailleurs en détresse : recours au conseiller en prévention spécialisé en RPS, procédure formelle en cas de harcèlement ou de conflit grave. Cela crée un espace sécurisé pour agir avant que la situation ne dégénère.

L’approche belge montre que les risques psychosociaux peuvent être encadrés de manière systémique. Ce n’est pas une question individuelle de « résilience » du travailleur, mais bien une responsabilité collective d’organiser le travail de manière saine. À l’échelle européenne, ces principes sont transposables : obligation d’analyse, prévention primaire, participation des travailleurs, reconnaissance des RPS comme risques professionnels à part entière.

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